Aeradio.fr 2019

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L’AEradio, la webradio de l’Atelier Expérimental (2019)

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PRÉSENTATION DU PROJET

"Récemment, l’Atelier Expérimental s’est saisi des problématiques soulevées par les événements en cours de préparation dans la région, notamment la mise en lumière de Lars Fredrikson dans la première rétrospective d’ampleur dont bénéficie cette figure du son en art. La réémergence soudaine d’un profil artistique clef dans l’histoire de l’enseignement du son – il est le premier à avoir mis en place un studio son à vocation plastique dans une école d’art – et de sa monstration, interroge aussi la nature des réseaux traditionnels de l’« exposition sonore », de son marché, et de la visibilité de ses acteurs. La proposition d’Isabelle Sordage de création d’un véritable réseau du son plastique, sous la forme d’une « webradio », a pour vocation de remettre au premier plan la pratique sonore, et de permettre aux artistes, confirmés ou non, d’explorer un nouveau type de plateforme d’écoute.

Il ne s’agit pas seulement d’offrir aux « oubliés » de l’art sonore un lieu d’expression, mais de générer un outil d’émulation, de mise en commun et d’échange entre praticiens parfois isolés. L’idée est bien de mettre en regard des approches sonores à travers l’histoire, et leurs continuités contemporaines dans leur diversité, ou parfois leurs similitudes formelles. La volonté du projet de l’AEradio d’entrer en collaboration avec des institutions pédagogiques, notamment les écoles d’art, vise à fédérer des pratiques qui parfois se précisent durant les années d’études et ne reçoivent pas toujours l’attention et la compréhension dont elles pourraient faire l’objet. L’AEradio se concrétisera comme le prolongement d’une communauté concrète (l’Atelier Expérimental) vers une communauté d’écoute en réseau. Dans cette mesure, elle se place dans le sillage d’autres projets nés localement[1], mais dans le domaine plus ténu du son plastique.

Le projet l’AEradio émane d’un souci politique qui touche à la réception des pratiques sonores. Il devrait à terme permettre de court-circuiter les formats traditionnels de l’exposition pour proposer au spectateur/auditeur la possibilité de construire sa propre écoute. La transversalité de la diffusion radiophonique et du partage en réseau met à mal les problèmes d’ « horizontalité » de l’accessibilité de l’expérience sensible. Si ce lâcher prise vis-à-vis des institutions artistiques de monstration semble être celui de la libération de l’écoute, il n’en est pas pour autant un encouragement à la consommation sonore ou à l’écoute passive. L’AEradio place au centre de ses préoccupations la notion de choix, prérequis de taille à toute séance d’écoute. Cette insistance sur la décision et le temps de l’expérience, sur l’effort d’attention qu’ils nécessitent, est la garantie pour l’AE de s’adresser à des écoutants qui conservent sur leur acte d’entendre l’ascendant de leur décision et de leur esprit critique.

Ce format d’écoute est aussi un moyen de défier les conventions de ce qui est « communicable », de détourner les attentes d’oreilles musicales ou peu sensibilisées à l’approche plastique sonore. Cette donnée est assurée par l’expérience même de la radio, dont l’ « autosuffisance » sonore ne serait pas supplantée par des illustrations, indices ou témoins visuels habituellement rencontrés dans les cadres d’expositions. Ici, le commentaire ne vient pas polluer l’expérience. L’idée d’une écoute aveugle encourage également à aller à l’encontre du rapport traditionnel entre sujet et média. Le cadre de la quotidienneté, de l’intimité offerte par le lieu de diffusion envisagé – c’est-à-dire chez l’auditeur -, inscrit l’œuvre dans une temporalité qui en assure l’ « appropriation » sensible, active. L’AEradio cherche à redonner à la quotidienneté l’attention de l’instant. Les œuvres d’art sonores confrontées à cet espace intime lui font quitter le régime de la distraction pour celui d’une écoute consciente. Cette écoute, « anonyme » dans la réception, n’est pas contaminée par les attentes, les codes et les contraintes sociales des lieux publics, et, sans pour autant dénaturer les données du quotidien - qui en seront seulement légèrement déformées – réintégrera le sensible dans le champ domestique.

Les contributions qui viendront nourrir le projet de l’AEradio l’alimenteront d’une réflexion sur leur propre statut, en proposant de faire œuvre commune : commune chez les artistes, qui sont les acteurs à part entière de la programmation et sont invités à proposer des pièces sur le mode de l’écho – écho plastique, protocolaire, ou tout simplement thématique -, voire des pièces collectives ; commune aux artistes et aux auditeurs, ces derniers étant les « dépositaires » d’une écoute individuelle et précise dont ils auront la responsabilité de la mise en forme - l’auditeur travaille aussi chez lui. Ainsi, les pièces proposées par l’AEradio varieront en fonction de leur lieu et de leur mode de diffusion. La temporalité des live encouragera le rendez-vous privilégié et ponctuel avec des œuvres produites spécifiquement pour l’AEradio. Le flux sonore continu, sans programme communiqué, n’obligera pas l’auditeur à un engagement complet : il sera lieu de rencontre fortuite avec des propositions plastiques quasi anonymes. Enfin, un espace documentaire envisagera l’écoute d’expérimentations plus libres, de conférences, de poésie sonore ou de sons trouvés, dans la volonté donner corps à une plateforme d’archives retraçant aussi bien les processus créatifs que leur commentaire, leur analyse, leurs « ratés ».

L’AEradio tâchera de valoriser le travail d’artistes dont les pratiques sonores formeront naturellement le cadre de leur monstration. Elle impulsera également une réflexion de fonds sur le statut de ces derniers, en offrant une place centrale à une rétribution juste et au respect du droit d’auteur. Le format « webradio », qui n’est pas une programmation radiophonique traditionnelle, n’est quant à lui qu’un prétexte pour aller à l’encontre des attentes du spectateur.

 

L’AERADIO, L’ESPACE ROSSETTI (Nice) ET LA VILLA LES VALLIERES (Clans)

L’AEradio fonctionne en étroit lien avec l’Espace Rossetti, situé rue Droite dans le vieux-Nice. Cet espace d’exposition de l’Atelier Expérimental est dédié à la monstration d’œuvres sonores, et abrite un studio d’enregistrement, qui peut être utilisé pour la diffusion en direct, sur l’AEradio, des œuvres exposées.

Par ailleurs, l’Atelier Expérimental met à disposition des artistes résidents de la Villa les Vallières, à Clans, des créneaux de diffusion sur l’AEradio, pour documenter leur travail et diffuser des œuvres. Inversement, la création d’œuvres à destination de l’AEradio peut faire l’objet d’une résidence à la Villa les Vallières.

L’Atelier Expérimental organise régulièrement à Clans des workshops à destination d’étudiants en école d’art, qui pourront utiliser l’AEradio comme une plateforme de diffusion.

 

« ZONES » DE DIFFUSION DE L’AERADIO

 

Zone bleue

 

La zone bleue de l’AEradio est celle du flux continu. Sans programmation détaillée, elle donne à vivre un temps brouillé, et fait l’exercice d’une attitude radiophonique où l’écoute se déplace librement entre les sphères passives et actives. Elle n’accapare pas l’attention de l’auditeur, tantôt la relance ou échoue à le faire, mise sur son détachement, son inconstance. Des micro-événements peuvent apparaître, qui bouleversent ou (re)synchronisent la perception. La fabrication de ces « silences », productions continues et égales de matière sonore, est le lieu de rencontre fortuite avec des propositions plastiques rendues quasi-anonymes.

 

« La radio est un hôte permanent et, comme on sait, on ne fait pas de manières avec ce type d’invités : la vie suit son cours exactement comme s’ils n’étaient pas là. »

         Rudolf Arnheim

Sans devenir synonyme de désengagement, la zone bleue de l’AEradio est celle d’une habituation à l’information sonore. Intégrée elle aussi à l’espace de vie de l’auditeur, son appropriation est libre, intime. Elle abandonne le son signifiant, et en cela, elle permet l’exploration du « caractère sonore » (Max Neuhaus), strate auditive innée, non culturelle, de signification, qui s’ajoute au langage.

 

 

Zone rose

 

La zone rose de l’AEradio est exclusivement dédiée à la diffusion d’œuvres sonores plastiques. Sa programmation détaillée – artiste, durée, protocole d’écoute - invite à une écoute attentive qui intégrera le champ domestique, sans pour autant dénaturer les données du quotidien. Les œuvres d’art sonores confrontées à cet espace intime appellent à quitter le régime de la distraction pour celui d’une écoute consciente. Cette écoute, « anonyme » dans la réception, n’est pas contaminée par les attentes, les codes et les contraintes sociales des lieux publics.

Accompagnées de protocoles de diffusion, ces œuvres proposent au spectateur/auditeur de construire sa propre écoute, de prendre en compte les données « préparatoires » qui accompagnent cette mise en œuvre, de comprendre les données plastiques qui peuvent altérer, déplacer, constituer des zones, des seuils dans l’espace de la pièce sonore.

 

« Les lieux les plus prestigieux de l’action sonnante, les acteurs sonores les plus compétents, la transparence acoustique des climats écoutés ne constituent pas a priori des espaces heuristiquement ou pédagogiquement plus féconds que d’autres. »

Patrick Romieu

 

Zone blanche 

 

En zone blanche s’invite la parole, le signifiant. Ici disparaissent les distinctions entre le son plastique et le son musical, la poésie et l’archive. Y sont déposées les traces des activités qui gravitent autour de l’engagement artistique de l’AEradio – enregistrements, captations en direct d’ateliers ou de conférences, discussions, événements divers. En cela, la zone blanche est en partie fondée sur le modèle du flux continu, de ce qui est en train. On y trouve aussi ce qui a été, ce qui a annoncé, raté, mûri.

 

« Tout jadis. Jamais rien d’autre. D’essayé. De raté. N’importe. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. »

           Samuel Beckett

 

Ces archives ne sont pas considérées comme les reliquats d’activités artistiques, mais bien comme les données qui invitent, qui fondent l’écoute. L’archive est un commencement (Arkhè = l’origine, le Premier Principe). Leur consignation confère à l’auditeur un pouvoir discursif dont les enjeux ne sont pas la construction d’une narration univoque, mais l’exploration et l’agencement libre d’une pluralité de signes. Ces témoignages, individuels ou collectifs, sont la mémoire prothétique (Derrida) de l’AEradio, constituée de réussis historiques, d’essais radiogéniques ou de documents décontextualisés, mis en regard des expériences plastiques proposées par la radio.

(L.Dreyer)



[1] Locus Sonus[1], plateforme pionnière de l’écoute en réseau dont l’un des créateurs, Jérôme Joy, a été enseignant au studio son de la Villa Arson.

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